Comment la technologie a-t-elle révolutionné notre façon de vivre et de travailler au cours des dernières décennies ? E.S. : tout commence dans les années 1990 où la technologie vient bouleverser notre vie personnelle et professionnelle avec l'apparition des ordinateurs domestiques et des applications logicielles de bureau tels que Lotus 1-2-3 et Wordperfect.

À la fin des années 1990, cette révolution technologique prend une dimension internationale marquée par l'adoption généralisée d'Internet et du www (World Wide Web) ainsi que l'installation de réseaux de fibre optique à haute capacité nécessaire au trafic internet sans cesse croissant.

Autre étape clé : l'arrivée des smartphones avec, en particulier, le lancement du premier iPhone d'Apple en 2007 qui permet l'accès à Internet via un téléphone mobile. Il est d'ailleurs important de constater que nous vivons désormais dans un monde où il est de plus en plus difficile de se déconnecter du monde numérique et ce, compte tenu de notre dépendance aux réseaux sociaux et aux achats en ligne.

Aujourd'hui, c'est une 4e révolution technologique autour de l'Intelligence artificielle (IA) qui est en marche. Bien que l'IA existe depuis plusieurs décennies, le boom exponentiel des données sur Internet et de la puissance de calcul disponible a jeté les bases d'un énorme pas en avant technologique.


Quels sont les acteurs mondiaux de l'Intelligence artificielle ? E.S. : les leaders boursiers de cette IA sont les plus grandes entreprises technologiques américaines qui sont d'ailleurs très familières aux consommateurs du monde entier : Microsoft, Apple, Google (Alphabet), Meta (anciennement Facebook) et Amazon. À cette liste s'ajoute la société dominante de semi-conducteurs à l'avant-garde de la puissance de calcul nécessaire pour les modèles d'apprentissage de l'IA : Nvidia.

Ces entreprises de technologie, dites les "7 Magnifiques", ont augmenté leurs revenus de près de 1 200 % au cours des 8 dernières années, soit une croissance moyenne de 36 % par an(1). Au cours de cette même période, le cours de leurs actions a également enregistré une hausse de 1 280 % cumulés, soit une moyenne de 39 % par an(1).

Compte tenu de cette croissance prodigieuse de leurs ventes, de leurs bénéfices et des cours de leurs actions, ces grands noms représentent aujourd'hui 35,5 % de l'indice phare du marché boursier américain, le S&P 500. Il s'agit d'un sommet historique en termes de concentration de cet indice général dans une si petite poignée d'entreprises.


Jusqu'où peut aller cette dynamique technologique ? E.S. : comme avec toutes les bulles des marchés financiers, il est toujours dangereux d'essayer de prédire une fin. L'histoire nous enseigne que ces tendances extrêmes peuvent persister beaucoup plus longtemps que quiconque ne le penserait raisonnable.

Je souhaiterais apporter quelques précisions évidentes sur la situation actuelle.

Tout d'abord, seule Nvidia réalise actuellement d'énormes profits grâce à la "ruée vers l'or" de l'Intelligence artificielle, en vendant les puces de processeur de semi-conducteurs clés qui conviennent le mieux à la formation des grands modèles d'IA et d'apprentissage automatique. Les autres entreprises technologiques font, quant à elles, leurs profits "surnaturels" à partir d'activités plus traditionnelles telles que les logiciels de bureau, le "cloud computing", la publicité et les achats en ligne, plutôt que tout ce qui est explicitement basé sur l'IA.

Il est également important de noter que la valorisation de ces "7 Magnifiques" a atteint des extrêmes plutôt élevés. Avec un ratio Prix/Bénéfices de 30 au dessus de la moyenne de l'indice S&P 500, elles se négocient à 30 fois leurs bénéfices(1). C'est presque le double du ratio pour les 493 entreprises restantes de l'indice S&P 500 qui, elles, se négocient à un prix plus plus modeste de 19 fois leurs bénéfices(1).

Enfin, dernière remarque : le flux d'argent vers ces actions technologiques a sans aucun doute été amplifié par la croissance de la popularité de fonds négociés en bourse (les ETF(2)) qui suivent les indices boursiers tels que le S&P 500 et le Nasdaq 100, indicateur très technologique. Les investisseurs ont suivi la forte dynamique des prix de ces indices, dont 60 % étaient attribuables aux "7 Magnifiques". Or, seulement 4 ETF(2) cotés aux États-Unis et basés sur les indices S&P 500 et Nasdaq 100 ont généré à eux seuls des flux massifs de nouveaux fonds d'un montant de 100 milliards de dollars au cours des 6 derniers mois(3).


Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent se porter sur le marché de la technologie ? E.S. : prudence et diversification sont les deux conseils que je souhaiterais apporter.

Même si je reste persuadé que l'IA aura un impact profond sur les entreprises et nos vies personnelles au cours des prochaines années, je reste personnellement sceptique sur le fait que toutes ces entreprises technologiques puissent générer de nouveaux revenus et profits énormes grâce à l'IA.

En général, des profits élevés sont générés dans les industries où il y a une pénurie de capital. Or, nous voyons aujourd'hui d'importantes quantités de capitaux investis par des entreprises publiques et privées dans l'IA. Cela m'amène à penser qu'il y aura une énorme concurrence entre les modèles d'IA rivaux et les logiciels de ces entreprises.

Les bénéfices ultimes qui pourraient résulter de cette vague massive d'investissements technologiques pourraient s'avérer décevants pour les investisseurs qui ont construit des attentes élevées de croissance énorme des bénéfices liés à l'IA dans les cours actuels des "7 Magnifiques".

C'est pourquoi nous privilégions la diversification, que ce soit à travers des fonds investis dans des actions américaines d'autres secteurs d'activité, avec les petites et moyennes capitalisations, ou encore vers l'Europe et le Royaume-Uni, voire le Japon et les marchés émergents (hors Chine).

RENDEZ-VOUS À LA RUBRIQUE "DÉCRYPTAGE".

(1) Source : Bloomberg.
(2) ETF ("Exchange-Traded Fund") : placement qui cherche à suivre l'évolution d'un indice boursier.
(3) Source : Morningstar.


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